"Peines plancher" : Dati en difficulté

Publié le par Gérard CONTREMOULIN

 

 

 
Récidive : la difficile position d'équilibre de Rachida Dati devant le Parlement


Source : LE MONDE | 04.07.07 | 15h21  •  Mis à jour le 04.07.07 | 15h21 
 


La chancellerie a vivement contesté, mardi 3 juillet, une estimation faite par Pierre Tournier, chercheur du CNRS (Le Monde du 4 juillet), selon laquelle la future loi contre la récidive pourrait conduire 10 000 personnes de plus en prison. L'examen du projet de loi par le Parlement, à partir du 5 juillet au Sénat puis du 17 à l'Assemblée, n'est pas sans risque pour le gouvernement : il contraint la ministre de la justice, Rachida Dati, à tenir une position d'équilibre difficile.

 


La ministre doit convaincre les parlementaires de l'UMP que son texte sera vraiment "dissuasif" pour les délinquants. Depuis 2003, une partie des députés de la majorité pousse à la surenchère sur ce sujet, réclamant de véritables peines automatiques qui ont été promises par Nicolas Sarkozy. Cette volonté a déjà abouti, en décembre 2005, au vote d'une loi limitant les peines de sursis et les sorties anticipées de prison.


Mais pour que le projet reçoive l'assentiment du Conseil constitutionnel et des milieux judiciaires, Mme Dati ne cesse d'insister sur le fait que les peines minimales instaurées par le projet de loi ne seront pas automatiques afin de préserver le principe de l'individualisation des peines : par une motivation spéciale, sur la base de "garanties exceptionnelles d'insertion" fournies par le récidiviste, le juge pourra toujours descendre sous la peine minimale.


Le chercheur Pierre Tournier précise que si les magistrats "utilisent systématiquement la marge de manoeuvre prévue" pour aller en deçà des planchers, "il n'y aura aucun changement". Mais magistrats et avocats soulignent que les juges correctionnels n'ont guère l'habitude de motiver leurs décisions ou n'ont pas les informations suffisantes pour le faire. En pratique, ils risquent, pour les délits, de se contenter d'appliquer les peines minimales. De l'ordre d'un tiers de la peine encourue, elles dépassent les peines moyennes prononcées par les tribunaux.


"La modélisation scientifique de M. Tournier dénature l'esprit du texte
, critique Michel Dobkine, directeur du cabinet de la garde des sceaux. Son estimation n'est valable que si les peines minimales sont automatiques. Or, elles ne le sont pas. La loi sera prescriptive, mais continuera de préserver la marge d'appréciation des juges."


La chancellerie n'a réalisé aucune étude d'impact mais, selon M. Dobkine, "un vol de CD en récidive ne conduira pas à deux ans de prison comme l'affirment certains, car ce n'est pas la pratique des juges". Dans le cadre des peines minimales, des sursis partiels pourront en outre continuer d'être prononcés par les juges, même à la deuxième récidive.


La commission des lois du Sénat a amendé le texte, le jugeant trop dur. Les députés risquent de le trouver trop mou. 


Nathalie Guibert

Extraits de l'intervention du Sénateur Robert Badinter





Enquête sur "l'exemple" américain, inspirateur du texte :

Publié dans Projets de Lois

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